Il y a 16 marches pour descendre à la cave, puis je pousse la vieille porte en bois. Et en ce moment, à peine la porte franchie, j’hume une odeur qui me donne la banane jusqu’aux oreilles.
Elle a l’air inerte la cave : des milliers de bouteilles en tas les unes sur les autres, judicieusement empilées dans de longs caveaux qui se succèdent au gré des couloirs. Quelques centaines de bouteilles tête en bas dans les pupitres. Toutes sont immobiles. Et pourtant ….. et pourtant depuis la mise en bouteille de mardi 19 avril, un truc de fou est en train de se passer. Ce truc qui me donne la banane, qui m’anime et me fait me sentir si profondément heureuse d’exercer mon métier de vigneronne en Champagne.
La prise de mousse !
C’est ça que je sens en ce moment à chaque fois que je franchis le seuil de la porte de la cave. Des millions de bulles naissant dans les milliers de bouteilles. Pile en ce moment, la magie du Champagne est en train de se mettre en place dans chacune des bouteilles rentrée lors du tirage. C’est une force immense qui s’exprime dans cette odeur si caractéristique. Évidemment, c’est rassurant : je me dis que j’ai réussi et que mon tirage évolue comme il faut. Mais surtout quelle chance j’ai de sentir, dans tous les sens du mot, cette force. De me dire que je vis et dors au-dessus de ma cave et de ce trésor, de cette magie. De chaque cep que j’ai taillé les hivers passés, de chaque grappe que j’ai réussi à faire pousser, des bulles sont en train de naître et ne disparaitront que dans le bonheur d’une bouteille dégustée, dans quelques années.
Les réseaux sociaux peuvent envahir nos vies, les nouveaux métavers peuvent imaginer ce qu’ils veulent : aucun n’arrivera jamais à créer ça, cette odeur de prise de mousse, cette magie des bulles naissantes et le plaisir du partage bien réel qui se fera autour d’elles.