Category: Histoire

2021, ça va bien

« Comment allez-vous ? »

Vous êtes plusieurs à m’avoir posé cette question récemment. Rien que le fait qu’on pense à me la poser, ça va déjà mieux.

Ça encourage, de savoir que mes efforts trouvent un écho dans les bulles que vous savourez. Et puis les vendanges approchent et vont clôturer le chapitre de cette année très compliquée.

Je sais que le terroir de Bouzy s’en sort bien mieux que d’autres et que je dois mesurer ma chance. Mais l’année a été difficile. Plusieurs fois je me suis sentie esclave, démunie, dépassée. A chaque fois, j’ai pu compter sur l’aide de mes proches, de collègues, sur l’abnégation et la résignation qui font partie du quotidien de ceux dont le travail dépend de la nature.

Et puis le résultat est là : il y a des raisins, peu mais beaux. Il y a du soleil. Et il y a cet horizon qui se rapproche : dans quelques jours, les raisins seront rentrés, et on pourra souffler. On pourra transformer en or les jus de l’année.

Nous, vignerons, sommes des sentinelles des évolutions du climat. Les sentinelles sont toujours les plus exposés. 2021 ne nous aura presque rien épargné, des épisodes de gel du printemps aux pluies continues de juillet qui ont fait exploser le mildiou. L’année restera dans les annales, et il faudra essayer d’en tirer tous les enseignements. J’en retiens l’importance cruciale d’un matériel viticole fonctionnel et la force de la solidarité entre vignerons. J’en retiens que chaque effort doit être fait, car c’est de Champagne qu’il s’agit.

Maintenant le plaisir de retourner aux vignes revient, la fébrilité de la préparation des vendanges va colorer les souvenirs plus gaiement.

Merci à toutes celles et ceux qui ont pensé aux vignerons et qui mesurent à leur juste valeur tous les efforts fournis pour produire du Champagne avec une grande exigence de qualité. Merci à toutes celles et ceux qui ont aidé. Et parce qu’il ne faut pas oublier de rire de tout, merci aux gnocchis, dont les enfants maitrisent désormais parfaitement la cuisson, et qui ont constitué leur repas récurrent pendant toutes les soirées de travail de cette saison ardue !

Pour savoir comment les vendanges se déroulent, savoir si la météo continue à nous consoler et si les jus nous plaisent, suivez l’actualité du Champagne Plener sur Instagram, en story et sur le fil !

Où je parle de John Lennon, de minitel et d’un gros engin. Et surtout d’hommage.

1971 : John Lennon sort Imagine, la Grande Bretagne rejoint le marché commun, Eddy Merckx gagne son 3ème Tour de France. Mon grand-père Jean a 53 ans et plante « La Loge » en pinot noir. Mon père a 20 ans (et pas encore sa moustache).

1972 : les Nations Unies organisent leur 1ère conférence sur l’environnement, Michel Polnareff chante « On ira tous au paradis » et Stanley Kubrick sort Orange Mécanique. Mon grand-père plante « Les petits cercets ».

La Loge et les petits Cercets ont connu les années 70 et les fusées Apollo, puis les années 80 et le lancement du Minitel ; les années 90 et les balbutiements d’internet, les années 2000 et le développement du téléphone portable. Elles ont connu mon père sans moustache et quand je suis née, elles avaient déjà 9 et 10 ans, l’âge de la belle vigueur pour une vigne. On pourrait croire qu’elles ont traversé les décennies impassiblement, que les remous du monde ne les ont pas atteintes.

Je ne crois pas. Elles ont vécu au fond de leur être le changement climatique, et tout ce que cela dit sur notre société. Au début des années 70, dans leur petite enfance, la date moyenne de début de vendanges en Champagne était fin septembre. Maintenant, à l’âge de leur retraite, c’est aux alentours du 10/11 septembre. Elles ont aussi connu les gadoues et le désherbage chimique en plein. En 2017, elles n’étaient plus désherbées chimiquement depuis plus de 10 ans. Courant octobre, j’ai fait venir un gros engin sur chenilles avec des griffes pour les arracher. Il le fallait : je pestais contre leurs installations vieillissantes, contre leur vigueur qui déclinait. Et puis ça fait partie de la vie d’une exploitation : il faut régulièrement rajeunir le parcellaire, arracher les vignes âgées pour les remplacer par des jeunes plantes.

Cet arrachage, c’est l’occasion de remettre les choses en perspective – en plus de se remémorer le minitel tout en sifflotant du John Lennon – : j’arrache deux vignes plantées par mon grand-père, deux vignes chargées d’histoire, deux vignes qui ont vécu plus que moi. En 2019, je replanterai la Loge et les petits Cercets. Et très vraisemblablement, je prendrai ma retraite avant elles. Je les ferai grandir, je les cultiverai année après année mais je ne les arracherai pas.

La Loge et les petits Cercets ne sont pas mortes. Leur sol, leur terroir, sont toujours là et vont continuer à s’exprimer, à travers mon travail et ce que la nature nous apportera. L’hommage est surtout pour le travail de mon père et de mon grand-père. Pour donner vie à l’héritage de leur travail,  j’ai vinifié séparément cette année les Petits Cercets. D’ici 3 à 4 ans au moins, la maturité de leurs Pinots Noirs se révèlera dans une cuvée dédiée. Quant à la Loge, ses grappes ont été triées à la main pour élaborer le Bouzy Rouge 2017, très prometteur !

arrachage vigne

L’évanescence de chaque bulle de Champagne contient des années de travail.

 

 

Jean Plener (4ème génération), poilu de la Grande Guerre

L’histoire de notre famille reflète l’histoire de la Champagne et la Grande Histoire. En ces temps de commémorations, rendons hommage à Jean Plener, 4ème génération, poilu de la Grande Guerre. Le grand-père de Jean-françois et arrière-grand-père de Maud est né le 28 octobre 1883.
Sa fiche dans les archives militaires le décrit ainsi : « cheveux et sourcils chatains, yeux gris, front ordinaire, nez moyen, bouche moyenne, menton rond, visage large, 1m66. Profession : propriétaire viticulteur. Sait lire et écrire. Ne sait pas nager ». Jean Plener a effectué ses classes militaires en 1903.
Il est mobilisé dès le 04 août 1914. Son épouse Hélène-Léontine est alors enceinte de leurs fils Jean (5ème génération, père de Jean-François et grand-père de Maud).
Toujours selon les archives militaires, il part au front en octobre 1914 avec le 355ème RI dans le Pas de Calais. Son fils Jean naît le 1er janvier 1915.
Au front, Jean Plener est blessé à l’omoplate gauche par un éclat d’obus le 4 février 1915. Il est évacué vers la Bretagne pour être soigné avant de rejoindre son corps en avril 1915, avant d’être à nouveau évacué en mai en raison d’une fièvre typhoïde. Son retour au front en juin 1915 s’effectue en Argonne et en Champagne, à quelques kilomètres de son foyer et de ses vignes, jusqu’en février 1916.
Après une nouvelle convalescence pour un ictère, Jean Plener est réaffecté au 48ème RI en juin 1916. Le régiment est alors en Argonne et subit de nombreuses pertes.
Nous avons retrouvé des cartes postales écrites par Jean Plener à sa femme Hélène et son fils Jean au début de l’année 1917. Il finira la guerre avec le 48ème RI, avec quelques périodes de permission, des attaques victorieuses et des maladies.
Le 27 février 1919, il est mis en congé illimité de démobilisation et rentre en train à Bouzy. Il décède le 16 décembre 1935.
Pendant toute son absence, c’est Hélène Léontine, jeune maman, qui s’est occupée des vignes, comme de nombreuses femmes en Champagne à l’époque.
Bien des années plus tard, les jeunes générations se souviennent et saluent le courage de leurs aînés avec un seul souhait : que le Champagne ne serve désormais qu’à célébrer la paix.
Pour en savoir plus sur la Première Guerre Mondiale en Champagne : http://www.lamarne14-18.com

jean plener

Jean Plener, 4ème génération

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The history of our family follows the path of the big History and of the history of Champagne. In those days of commemoration of World War 1, let’s pay tribute to Jean Plener, 4th generation, soldier (“poilu”) of the Great War. Jean-François’s grand father and Maud’s great-grand-father was born on October 28, 1883.

The military archives describe him as “dark hair and eyebrows, grey eyes, ordinary forehead, medium nose, medium mouth, round chin, large face, 1m66. Job : winegrower. Reads and writes. Does not swim.” Jean Plener did his basic military training in 1903.

He was mobilized as soon as August 04, 1914. His wife Hélène-Léontine was then pregnant of their son Jean (5th generation, Jean-François’s father and Maud’s grand-father). According to military archives, Jean walked to the front on October 1914 with the 355th regiment of infantry, to the north of France. His son Jean was born on January 1st 1915.

At the front, Jean Plener was wounded at the left shoulder by shrapnel on February 4, 1915. He is evacuated to Brittany to be treated before joining back his regiment in april 1915. He is evacuated in May because of a typhoid fever. He goes back to the front in June 1915 in Champagne and Argonne, only a few kilometers away from his home and vineyard, until February 1916.

After another evacuation because of an icterus, Jean Plener is reaffected to the 48th regiment of infantry in June 1916. The regiment is at that time in Argonne and faces many losses.

We found postal cards written by Jean Plener to his wife Hélène and son Jean at the beginning of the year 1917. He will stay in the 48th regiment until the end of the war, with a few leave times, victorious attacks and days of illness.

On 27th of February 1919, Jean receives his order for demobilization and goes back to Bouzy by train. He dies on December 16, 1935.

During the war, Hélène Léontine, young mum, took care of the vineyard, as many other women in Champagne at that time.

Many years after, our generations remember and pay tribute to the courage of our elders with one strong wish : that Champagne be only drunk to celebrate peace.

To know more about WW1 in Champagne : http://www.lamarne14-18.com