Allons-y pour enfoncer les portes ouvertes : le temps passe (trop) vite, les semaines défilent ! A un moment on s’arrête, on se retourne et oh…. l’année a commencé depuis six mois déjà. Et on se demande comment c’est possible.
Parce que la nature va trop vite. Et j’ai peine à croire qu’elle puisse aller aussi vite.
J’aime mon métier entre autres pour son rapport au temps: la vigne et l’élaboration du Champagne demandent de la patience, là où partout la société appelle l’urgence. Raté pour cette année : le printemps a été fulgurant. On est fin juin et déjà tout est plié : la fleur est finie depuis belle lurette, le palissage est fini. Cette année encore, les vendanges seront précoces. Cette année, ENCORE.
Quand j’étais enfant (ça commence à dater donc ;-), la vigne était en fleur au moment de la fête à Bouzy (on a les points de repère qu’on mérite), c’est à dire fin juin. Les vendanges avaient souvent lieu en octobre. Des années 1970 à l’an 2000, il n’y eu que la mémorable année de sécheresse en 1976 qui vit commencer des vendanges en aout. Une fois en 30 ans.
Depuis 2000, on a commencé trois fois les vendanges en aout (2003, 2007 et 2011, et presque en 2017). 2013 a été une année qu’on a considérée comme exceptionnelle …. car la vigne n’était toujours pas en fleur à la fête à Bouzy et les vendanges ont démarré en octobre.
2018 aurait pu être une année « normale » : l’hiver a été très pluvieux, mars a été frais et début avril, les pleurs montaient à peine. La vigne se réveillait doucement. Puis à partir de mi-avril, tout s’est emballé. En l’espace de quelques courtes semaines, les vignes ont poussé et fleuri. Pleine fleur dans les tous premiers jours de juin, nouaison et déjà fermeture de la grappe. Il y a une charge importante de raisins et si tout se maintient, on devrait encore vendanger fin aout/début septembre. Pas une année « normale » alors. Sauf qu’il faut bien admettre que l’exception devient la norme et la norme tend à être exceptionnelle.
En 2016 comme en 2017, le mois d’août a réservé de grosses surprises. Ce fut un mois narquois. 2016, année si arrosée, a été marquée par un mois d’aout si chaud et sec que les raisins en ont attrapé des coups de chaud. Un comble en cette année à la pluviométrie record. En 2017, année plutôt sèche et chaude, août a ressemblé d’abord à novembre, puis aux tropiques. Les raisins ne voulaient ni novembre ni les tropiques en aout et ont donc été bien malmenés.
Que nous réservera aout 2018 ? Ce n’est pas dans le rétroviseur qu’il faudrait que je regarde, mais dans une boule de cristal.
Mais à bien y réfléchir, je préfèrerai regarder dans le rétroviseur en septembre. Et en attendant, je laisse la nature faire son oeuvre.
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